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Actus Paroles de pêcheurs
06.05.2014


Interdiction des rejets en mer : révolte probable des marins pêcheurs

Dans la nouvelle politique commune des pêches et concernant l’interdiction des rejets en mer, les marins pêcheurs sont sans doute ceux qui se sont le moins exprimés sur le sujet. Pas facile de convaincre les décideurs politiques quand on passe près de la moitié de sa vie en mer.

L’imposition de ces nouvelles règles dès 2015 et 2016, nous incite à nous poser certaines questions et à soulever certains problèmes.

Nous nous permettons de rappeler que nous sommes les plus concernés par le problème de la pêche durable, et que nous tenons à la pérennité de notre métier. Les marins ont fait et feront d’importants efforts dans une plus grande sélectivité de leurs engins de pêche. La pêche a déjà payé un lourd tribut dans la réduction de sa flottille, ce qui a permis une amélioration sensible de certains stocks de poissons en atlantique Nord-est.

Cette nouvelle politique risque de modifier profondément les conditions de travail à bord en obligeant les marins à trier des poissons de petite taille puisqu’ils seront dans l’obligation de les décompter des quotas. Dans la mesure où IFREMER estime à 25% le taux de rejet sur l’ensemble des espèces, on imagine le temps supplémentaire passé sur le pont à trier une marchandise qui ne sera que très peu ou pas valorisée en ce qui concerne le marin pêcheur, puisque ces rejets sont sensés alimenter des marchés autres que l’alimentation humaine. Autrement dit, le travail supplémentaire exercé par les pêcheurs le sera au profit des fabricants de farine de poissons destinées aux aliments pour chiens et chats ou pour l’alimentation des poissons d’élevage. Double peine pour les marins qui se verront obligés d’alimenter leur propre concurrence. Comment admettre pour les marins une telle dégradation sociale qui ne serait certainement pas admise à terre ?

Il nous paraît important de faire état de la suspicion qui règne chez les marins pêcheurs en ce qui concerne la pureté des intentions de certaines ONG environnementalistes. Nous pouvons supposer que certaines d’entre elles sont financées par des entreprises de l’agroalimentaire plus soucieuses de verdir leur image et de récupérer de la matière première à bas prix plutôt que de préserver la ressource.

Nous considérons que l’élevage de poissons carnivores à partir des farines que nous seront sensés fournir pour leur alimentation ne peut pas être une façon écologique de produire du poisson, puisqu’il faut en moyenne 5 à 6 Kg de poisson sauvage pour faire un kilo de poisson d’élevage.

Pour les marins il est troublant de constater que cette politique anti rejet est soutenue par les pays du nord de l’Europe, qui disposant de pêcheries moins diversifiées, pourront gérer les rejets plus aisément. Ils constatent également que c’est dans ces pays que l’élevage de poissons carnivores est le plus développé. En outre, on peut se demander ce que recherche réellement la responsable européenne des pêches, María Damanáki. qui fait la promotion de cette politique anti rejet et est ressortissante d’un pays (la Grèce) où l’élevage du bar (ou loup) est très développé.

IFREMER n’a jamais réellement eu les moyens de faires des études sérieuses concernant l’impact positif que peuvent avoir les rejets en mer sur l’ensemble de la chaine alimentaire, espèces pélagiques, démersales, nécrophages (langoustines, crabes, homards etc). On ne sait donc pas vraiment les impacts négatifs que pourrait avoir une politique anti rejets. On peut juste affirmer que les protéines qui seront données aux poissons d’élevage ne profiteront plus aux poissons sauvages.

Nous mettons en doute la compétence en matière halieutique de certaines organisations écologistes pourtant très actives sur le sujet auprès des responsables politiques. En effet certaines d’entre elles promeuvent un développement de la petite pêche côtière pourtant déjà saturée. Elles militent pour l’interdiction totale de la pêche profonde dans laquelle les armements ont pourtant démontré leur prise conscience de la nécessité d’une pêche durable et leur maîtrise dans le maintien et même l’amélioration des stocks.

La pêche, contrairement à ce que beaucoup pensent, est une profession extrêmement réglementée, soumise à des quotas très restrictifs et surveillée comme aucune autre activité économique. En Atlantique nord-est, les quelques bateaux qui se font prendre en infraction ne doivent pas occulter le respect des règles et le comportement sérieux de la grande majorité de la flotte.

Etranglés par un prix du poisson qui a tendance à baisser contrairement à celui du gazole, les marins pêcheurs se demandent de quoi leur avenir sera fait. Cela a pour conséquence une limitation des investissements, un vieillissement rapide d’une flotte de moins en moins sûre et vraisemblablement inadaptée aux nouvelles exigences de l’Europe. Nous craignons que la nouvelle réglementation européenne de pêches ne crée un séisme économique et social dont cette profession, comme aucune autre, n’a besoin.

Jean François BOULAIRE Patron du BARA PEMDEZ II, LE GUILVINEC

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